vendredi 5 octobre 2012

Du jour au jour et puis au lent… demain











Du piano, aux touches frappées (ce sont des notes aigües me souffle Christian Rosset) puis du violon et voilà qu'on entre dans la nuit, qu'on entre dans l'antre de Veinstein (Alain), que les choses sont posées, ni à la mode, ni dans l'air du temps, ni pour faire du bruit. Veinstein sait installer sur France Culture sa petite musique littéraire et il en joue depuis le tempo de son annonce. Et cette annonce on la guette et on l'attend. Dans le silence de cette nuit qu'on a installée pour être en studio Du jour au lendemain. L'on guette le nom de son invité(e), son intro, une respiration, un certain silence. Ce soir c'est Simonetta Greggio qui va bouleverser la nuit.

Histoire de tendre un peu plus cette nuit, Veinstein demande à son interlocutrice par quelle question il pourrait commencer. En mon for intérieur, je roucoule déjà. J'aurais moi demandé à Simonetta de nous dire en italien deux ou trois répliques de "Dolce Vita" son précédent roman (1) ou de "La dolce vita" le film de Fellini. Veinstein lui se prépare à l'intense et tourne autour, d'un air de ne pas y venir, tout en s'y approchant à pas feutrés. 

"Je comprends ce que je pense quand je rêve et quand j'écris" dit simplement Simonetta. Avec une telle parole ça valait vraiment le coup d'attendre la nuit, pour l'entendre dite avec grâce et légèreté et de façon si sereine qu'on en viendrait à se demander pourquoi chacun n'entre t-il pas définitivement dans son propre rêve ? Ça a l'air si simple et à la fois si déconcertant. Simonetta tisse sa toile et accepte de nous faire entendre de quoi cette toile est faite. Et (en ce qui me concerne sans doute à cause de l'accent qui me fait absolument fondre) ce qu'elle nous dit est captivant. Et n'a bien évidement rien à voir avec la "petite comédie" que nous jouent tant de petits comédiens du matin au soir sur les ondes publiques ou sur les ondes privées pour vendre de la littérature en baril. Captivant au point de vouloir demander à Veinstein de poursuivre dans la nuit, de bouleverser les programmes, d'entrer dans le rêve avec la passeuse Simonetta Greggio qui, d'un rire, nous mène à la joie. La grande joie du bonheur simple.

Et la radio peut produire ça, jusqu'au frisson. Juste la voix, la parole et les silences. Et les rires de bon cœur aussi, ou de bonne vie. (Pas ceux qui dégoulinent du matin au soir à la radio, en surface de situations affligeantes ou indigentes). Veinstein sait laisser parler ses invités et - ô bonheur ! - Simonetta ne nous parle pas de son livre, mais de ce que son livre peut porter, interroger ou révéler. Comment d'un roman elle aborde une philosophie de vie avec quelques idées simples, mais pas si simples à mettre en œuvre, et absolument exaltantes. Alors ce qu'on s'apprête à lire c'est beaucoup plus qu'un livre, qu'un roman. La parole de Simonetta Greggio au mitant de la nuit a de quoi bouleverser sa propre vie. Sortir hagard et courir vers sa librairie préférée, constater dépité que personne n'ouvrira, rentrer le nez en l'air sous les étoiles. Se remettre Du jour au lendemain, sans vraiment s'en remettre. Accepter le choc et s'endormir sur un petit nuage de volupté. Il n'y a vraiment que la radio pour produire ça.

"C'est ce présent là qui me plaît : un bon équilibre entre aujourd'hui et demain, ce présent tellement précieux" dit en début d'émission une Simonetta Greggio "addict à la vie". Et pour nous les addicts à la radio, et quelquefois addicts aux nuits de la radio, ne serait-ce pas là la meilleure définition de cette émission de passage, "ce présent tellement précieux", du jour au jour et puis au lent… demain.

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