En 1965, Ferré se fend d'une petite satyre à l'égard de sa maison de disque Barclay (1) en intitulant une de ses chansons "Monsieur Barclay". Le business-man Barclay s'il aime Léo et le soutient, aimerait aussi que ses chansons passent un peu plus à la radio. Ferré réagit par une jolie pirouette:
"Monsieur Barclay m´a demandé :
Léo Ferré, j´veux un succès
Afin qu' je puisse promotionner
A Europe1 et chez Fontaine
Et chez Lourier et chez Dufresne
Et moi, pas con
J´ai répondu :
Voilà patron
Ce que j'ai pondu ! " (2)
Léo Ferré, j´veux un succès
Afin qu' je puisse promotionner
A Europe1 et chez Fontaine
Et chez Lourier et chez Dufresne
Et moi, pas con
J´ai répondu :
Voilà patron
Ce que j'ai pondu ! " (2)
Ferré en profite pour citer les "lieux" où ça "promotionne" et où Barclay pourrait "Bien matraquer". Et c'est ça qui a retenu mon attention car la radio est largement citée comme support de promotion. Europe 1, où à l'époque les "variétés" sont dirigées par Lucien Morrisse, "pape" du tube fabriqué par la radio, qui passe et repasse jusqu'à plus de dix fois par jour sur l'antenne.
"Chez Fontaine", soit Jean Fontaine, animateur radio sur Paris Inter et France Inter, plutôt spécialiste de musique classique (3). "Et chez Lourier", soit Georges Lourier que Roland Dhordain (patron d'Inter) installe à 6h sur la grille pour son "Réveil en Fanfare". Passer un disque de Ferré chez Lourier, dernière star radiophonique dans les années 60 (4), c'était la garantie que les ventes suivraient. Mais pas sûr qu'à cette heure-là Ferré "passe" bien !
"Chez Dufresne", Claude Dufresne autre animateur de France Inter, dont je ne peux affirmer qu'il animait (années 60 et début 70) "De la musique avant toute chose", c'était peut-être Jean Fontaine. Mais en cherchant cette information sur Internet, j'ai trouvé un blog qui justement évoque l'intérêt de Dufresne pour… Ferré (5).
Ferré, dans cette chanson, se fait plaisir, "égratigne" un peu la radio commerciale et trois animateurs d'Inter, mais quid de RTL ? Alors qu'à cette époque règne sur les variétés Monique le Marcis. RTL ne convenait-elle pas à la rime ? Le Marcis et Ferré entretenaient-ils de bonnes relations que Ferré n'aurait pas voulu "écorner" ? J'ai lancé ma recherche auprès de l'intéressée. Je vous informe dès que j'en sais un peu plus.(6)
Une fois encore j'ai attrapé la radio par le petit bout de la lorgnette, mais c'est ça qui m'amuse. Les gens de moins de cinquante ans qui écoutent cette chanson doivent bien se demander qui peuvent bien être les Fontaine, Lourier, Dufresne ? Mais Ferré nous montre comment, en prise avec son temps, il attrape dans ses rimes la radio, quitte à ce que cinquante ans plus tard tout le monde ait oublié les "vedettes" du micro…
Je signale que toute cette semaine "Pas la peine de crier" (7) proposait dans son "Poème du jour avec la Comédie française" cinq chansons de Ferré lues par des comédiennes et des comédiens.
(1) Créée et dirigée par Eddie Barclay,
(2) Yes, yes, boum, bye / Tira me la gamba /Tira me la gamba /Yes, yes, boum, bye /Tira me la gamba / Sul tramvaye…
(3) Par exemple "La musique est à vous" qui, à la fin des années 70, occupait la case du dimanche soir à 21h15 sur France Inter,
(4) Tel que le qualifie Jean-François Remonté in "Les années radio", L'arpenteur, 1989, page 60,
(5) "Pourtant, c'est à lui que je dois d'avoir entendu pour la première fois autant de chansons de Léo Ferré dans une émission du dimanche soir qu'il animait. À l'époque, je l'avais enregistrée avec un magnétophone à cassettes relié à mon poste de radio. Je possède toujours cette cassette." in le blog La lanterne de Diogène,
(6) J'ai pu échanger avec Monique Le Marcis en fin d'après-midi. Elle n'a pu répondre à ma question. Mais m'a assuré que RTL entretenait de très bonnes relations avec Léo qui a fait, à la station, plusieurs concerts "privés".
(7) Par Marie Richeux, France Culture, du lundi au vendredi, 16h.
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