samedi 27 octobre 2012

Dali chancelle…











L'Institut National de l'Audiovisuel (Ina) vient de publier une Radioscopie qui aurait pu être décoiffante, fantasmagorique, ou surréaliste. Il n'en fut rien ! Le numéro de Salvador Dali a déçu Jacques Chancel (1). Le numéro de Chancel n'a fait aucun effet à Dali. On est en 1971 (4 janvier), l'émission, démarrée trois ans plus tôt et qui va très vite devenir culte, commence à s'installer et à faire parler d'elle. Chancel curieux de tout et du monde, mais aussi des beaux arts, n'a peur de rien et surtout pas des facéties du promoteur du chocolat… Lanvin ! (2)

Vous ne serez pas surpris, mes chers auditeurs, que je me sois intéressé à l'autour de cette rencontre au moins aussi invraisemblable que la rencontre elle-même. Le livret joint au CD relate les conditions de son enregistrement. Il a lieu à l'hôtel Meurice à Paris (près des Tuileries) ; le Maître ne se déplaçant quand même pas jusqu'à la Maison de la Radio. Une des photos du livret nous montre une scène qui avec un autre personnage n'aurait eu aucun intérêt ! Eve Ruggieri, (assistante de Chancel à l'époque, avant de voler de ses propres ailes) lui tend le micro, est à genoux et regarde le Maître droit dans les yeux contre le fauteuil où il se tient impérial. Et où l'on apprend alors que Dali refusait la perche de prise de son. Voilà bien une image surréaliste : Ruggieri aux pieds du Maître, Chancel goguenard dans son fauteuil et Dali en monarque absolu. Le même qui se fait un malin plaisir de déboussoler et désorienter son interlocuteur peu habitué à ce qu'on le mène par le bout du nez.

"Jacques Chancel a procédé à ce que, dans le jargon radiophonique, on nomme des « lancements », c’est à dire, en l’occurrence, des propos enregistrés après-coup et insérés au montage." (3) Avec notamment une introduction qui, pour situer l'affaire, en enlève  un peu de la "réalité" de l'entretien, particulièrement parce que Chancel ne précise jamais que ses propos-là n'ont pas été enregistrés au cours de l'interview. C'est d'une certaine façon le moyen pour Chancel de "reprendre le dessus" et surtout de ne pas montrer qu'il a eu beaucoup de mal à tenir son entretien. La Radioscopie livrée par l'Ina ne dure que… 38mn ! On peut imaginer que les 20mn "manquantes" ont du être utilisées par de la musique pour la diffusion d'une Radioscopie qui ordinairement durait un peu moins d'une heure.

"La seule sincérité de Dali, celle d’être « un mensonge qui dit toujours la vérité », pour reprendre la formule de Jean Cocteau, ou d’être un bouffon qui se moque de tout et de tous dans un catapultage verbal qui fait mine de n’être jamais guidé par la raison" nous dit Renaud Machart qui signe le texte du livret (4).

Merci à l'Ina de publier aussi, au-delà de l'événement en soi qui était de recevoir Dali à la radio, des archives qui rendent la "fabrique de la radio" un peu moins lisse, un peu moins culturellement correcte, un peu plus en prise avec le principe de réalité.

(1) Animateur sur France Inter de Radioscopie, du lundi au vendredi, 17h, 1968-1982 et reprise en 1988 jusqu'en 1990,
(2) Spot publicitaire TV pour la marque de chocolat,
(3) in le livret joint au CD de l'édition de cette Radioscopie,
(4) Producteur à France Musique. 
 

3 commentaires:

  1. Et si vous ne pensez pas acheter le coffret, cette Radioscopie est pour l'instant encore en téléchargement sur l'excellent Ubuweb http://ubu.com/sound/dali.html

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  2. Entre D. et J.C., lequel est le plus agaçant ?

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    1. Les deux qui jouent en s'agaçant mutuellement. Chancel avait besoin de Dali pour encore mieux s'imposer comme l'intervieweur des "grands" mais Dali n'avait besoin de personne si ce n'est jouer sa petite partition en ré majeur (oula c'est possible ça ?) pour conforter sa légende. Ce "morceau" là ressemble à l'envers du décor et ça me va pour ça !

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